La femme du métro
La femme est assise, plus sur une fesse que sur les deux, plus bancale
que d'habitude. Plus tordue, plus tendue. Elle porte le visage d'une
femme qui a essayé de se ranger. Ces femmes qui ont juré leur amour sur
leur vie, qui ont eu des moutards qu'elles ont aimé, et qui se
retrouvent un jour sur le bord de la route.
Où est l'erreur?
Ses yeux bleus magnifiques sont en harmonie avec son visage : ses
traits sont joliment dessinés, en harmonie avec son regard triste.
Elle et son mari sont devenus les meubles de leur vie respective. Ils
se croisent, s'embrassent parfois, sont polis et respectueux. Alors
elle a prit un amant. Pour être bousculée, renversée, blessée, adorée
ou détestée, aimée ou rejetée, mais gueuler son existence. Ne pas être
par procuration. La maman de Sophie. La femme de Christophe. La patronne de Paul.
C'est pour ça qu'elle a une grosse valise. Elle a quitté son amant.
Ou son mari. Peut-être les deux. Où allez vous je ne sais pas ailleurs.
Elle n'a emmené que le nécessaire, le reste est parti à la poubelle.
Photos, colliers, boîtes, dessins d'enfant, poubelle.
Elle pense à ses enfants qui la jugent.
Elle pense à son mari qui pleure. Ou crie.
Elle pense qu'il n'aurait jamais osé faire pareil par respect, et que c'est encore pire.
Elle pense qu'elle a elle-même tout détruit, de ses propres mains. Exprès. Et toc. Tu vois, chui cap'.
Elle pense qu'elle ne se le pardonnera jamais.
Elle pense qu'elle a fait le bon choix.
Elle pense qu'elle s'est plantée sur toute la ligne.
Elle ne pleure pas.
Elle ne sait pas.
Elle ne pense pas.
Elle est vide.